Date / Heure
Date(s) - 15/06/2022
20 h 30 - 23 h 00
Emplacement
Studio des Ursulines
Catégories
Shauna (Fanny Ardant), 70 ans, femme indépendante et architecte à la retraite, rencontre Pierre (Melvil Poupaud), 45 ans, médecin, marié et père de famille. Ils s’étaient croisés quinze ans plus tôt et se retrouvent par hasard, au fin fond d’une maison de campagne où Shauna a pris l’habitude de s’éclipser. Sans crier gare, l’amour fond sur ces deux-là. Bien loin de filmer le coup de foudre comme une évidence euphorisante, Tardieu, qui reprend une idée originale de la cinéaste Solveig Anspach, à qui est dédié le film, l’observe comme une bombe à retardement qui décime tout sur son passage : la confiance en elle de Shauna, de nouveau prise dans le regard d’un homme, le bonheur familial de Pierre. (…)
C’est, en somme, à une définition rigoureuse du mélodrame à laquelle se tient Les Jeunes Amants : une passion qui rencontre la résistance d’une société et de ses regards, à commencer par celui de Shauna, lucide sur l’avenir d’une telle relation. On doit à la justesse du casting sa puissance d’incarnation : Fanny Ardant joue superbement cette héroïne fragilisée et résistante à cet amour qui signe la fin de sa tranquillité et l’oblige à renouer avec les petits rituels étriqués de la femme amoureuse – le film dépeint avec attention la vie quotidienne, bientôt chamboulée, d’une intellectuelle septuagénaire. En face d’elle, Melvil Poupaud se livre corps et âme à une émotivité à fleur de peau, se laissant totalement déshabiller par la passion. Autour d’eux, Cécile de France, Florence Loiret-Caille et Sharif Andoura campent des seconds rôles puissants, qui donnent au film son ancrage, son fond de quotidienneté, sans lequel il deviendrait hors sol et inconsistant.
Murielle Joudet, Le Monde
Les Jeunes Amants aurait dû être un film de Solveig Anspach (Hauts les cœurs, Lulu femme nue, L’Effet aquatique), mais sa mort en 2015, à 54 ans, l’a empêchée de tourner ce scénario inspiré de la vie de sa mère. Elle avait fait promettre à sa coscénariste Agnès de Sacy que le film existerait, réalisé par une femme. Sollicitée, Carine Tardieu (La Tête de maman, Ôtez-moi d’un doute) a récrit en partie l’histoire pour la tirer vers plus de lumière, plus d’humour qui, mélangés avec une certaine gravité, sont la marque de fabrique des deux réalisatrices.
L’incrédulité face à la possibilité d’être aimé
Avec Les Jeunes Amants, elle signe une comédie romantique d’une immense délicatesse, de celles qui font battre le cœur au diapason des personnages, dotée d’une profondeur rare. Une différence d’âge peu commune (alors qu’elle semble si banale quand l’homme est plus âgé) se trouve au centre du récit, mais il touche à l’universel en évoquant l’absence de confiance en soi et l’incrédulité face à la possibilité d’être aimé.
Loin des héroïnes pleines de panache qu’elle a souvent interprétées, Fanny Ardant incarne avec une bouleversante réserve une « femme flamboyante qui traverse l’existence sur la pointe des pieds ». Avec une douce intensité, Melvil Poupaud émeut en homme marié qui tarde à reconnaître la passion en lui, mais s’y adonne ensuite entièrement sans craindre le regard de la société.
Corinne Renou-Nativel, La Croix