L’article du Monde du 11 juin intitulé « Quand des psy abusent de leurs patientes ‘avec lui j’acceptais tout’ », discrédite une profession toute entière. En cela il est inacceptable et réclame un éclaircissement. Destiné au grand public, il nous présente une répétition de récits d’abus détaillés quant aux actes, tout en maintenant une grande confusion quant aux thérapeutes incriminés. Ceux-ci s’avèrent pour la plupart ne pas être psychanalystes alors que le texte utilise les termes de « psychanalyse » et de « transfert ». Cette confusion se poursuit quant aux repères historiques et aux époques citées.
Plusieurs sociétés de psychanalyse en France ont depuis longtemps la préoccupation de soutenir un mode de travail professionnel sérieux et rigoureux. Elles se sont dotées de règles éthiques précises assurant la qualité de la pratique analytique de leurs membres. Toutes les sociétés composantes de l’Association psychanalytique internationale (API) se sont donné des codes d’éthique ou sont soumises au code de l’API. Ce sont en France : la Société Psychanalytique de Paris (SPP), la plus ancienne, fondée en 1926 sous l’égide de Freud et reconnue d’utilité publique, l’Association psychanalytique de France (APF) et la Société psychanalytique de recherche et de formation (SPRF).
La notion de transfert désigne la répétition ou l’émergence dans la cure d’éléments de l’histoire personnelle sous une forme qui semble actuelle, qu’il s’agit d’analyser afin de les faire advenir à un statut de conscience et de mémoire, et en aucun cas de les satisfaire au présent. La justification d’actes transgressifs au nom du transfert est donc non seulement une violation de la loi, en tant qu’abus au sein d’une relation thérapeutique, mais une faute au regard de la méthode analytique.
Depuis les années 1950, ces Sociétés de psychanalyse ont aussi développé une recherche importante sur la notion de contre-transfert, c’est-à-dire sur les réactions éveillées chez l’analyste à l’écoute de son patient, afin de les analyser et de les utiliser en tant que matériau de compréhension de la vie psychique du patient au service de la construction de son fonctionnement psychique. Ce champ de recherche est devenu partie intégrante de la formation (supervision) et des échanges cliniques entre analystes, à l’opposé de toute complaisance envers les transgressions.
La Société psychanalytique de Paris dispose d’un Code d’éthique connu de tous ses membres et analystes en formation, et d’un Comité d’éthique qui veille à son respect et travaille de façon collégiale, de façon à limiter les possibilités de déviation et d’emprise.
Il est donc très regrettable qu’un texte présenté comme une enquête du journal Le Monde n’aie pas différencié ce qui peut se véhiculer confusément en utilisant à tort les termes de la psychanalyse, et ce que celle-ci offre en tant que pratique rigoureuse.
Emmanuelle Chervet,
Présidente de la SPP